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fils et pour ma fille, et à cette tendresse indulgente, illimitée, presque aveugle, je joins l’enthousiasme qu’inspire le génie. Répond-elle à une affection aussi grande ? Ce serait bien impossible et je n’en souffre nullement. Ma sainte passion pour cette noble créature ne ressemble en rien à l’étrange engouement que la fille de … aurait pris pour moi si j’avais voulu souffrir de telles maladives amours ! Celle-là est une belle intelligence, un beau caractère, mais elle est folle, ma Pauline est sainte, et moi aussi je suis sainte, quoi qu’on dise ! Et ce qu’on dit, je ne m’en soucie pas. Et de rien d’injuste à mon endroit, je ne me soucie aujourd’hui en aucune façon. Et de tout ce qui est juste, naturel et dans l’ordre, je ne suis blessée, ni chagrinée, ni révoltée. Cette enfant ne peut pas m’aimer beaucoup, beaucoup, parce qu’elle ne peut pas me connaître. Elle ne peut aimer beaucoup, en ce moment, aucun autre être que son mari et celui-là elle ne peut l’aimer que d’une certaine façon tendre, chaste, généreuse, grande sans orage, sans enivrement, sans souffrance, sans passion en un mot. Puisses-tu, grande artiste, ne connaître que cet amour qui est certainement le seul bon, mais qui n’est pas toujours le seul possible. Tant que tu n’en connaîtras pas d’autre, je ne te serai bonne à rien et tu ne sauras pas combien je t’aime et combien je le comprends et combien je t estime. Mais je prie Dieu que ce jour n’arrive point et