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séance publique. Tout le monde des environs n’était pas arrivé pour la première, et les gens de l’endroit voulaient encore entendre et comprendre. Il leur parlait une langue ancienne qui leur paraissait nouvelle, bravoure, dévouement et sacrifice ; il n’était plus question de cela depuis vingt ans. On ne parlait que du rendement de l’épi et du prix des bestiaux. « Il faut savoir ce que veut de nous cet homme qui est un pauvre, un rien du tout, comme nous, et qui ne paraît pas se soucier de nos petits intérêts. » Je n’ai pas assisté non plus à la reprise de cet enseignement de famille ; Sigismond me le raconte. La première audition avait été attentive, étonnée, un peu froide. Nadaud parle mal au commencement : il a un peu perdu l’habitude de la langue française, les mots lui viennent en anglais, et pendant quelques instants il est forcé de se les traduire à lui-même. Cet embarras augmente sa timidité naturelle ; mais peu à peu sa pensée s’élève, l’expression arrive, l’émotion intérieure se révèle et se communique. Il a donc gagné sa cause ici, et l’on s’en va en disant :