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dus et les moins digérés. Dieu sait si je suis en veine ! L’imagination est morte en moi, et l’enfant est là qui questionne, exige, réveille la défunte à coups d’épingle. L’amusement de nos jours paisibles me devient un martyre. Tout est douleur à présent, même ce délicieux tête-à-tête avec l’enfance qui retrempe et rajeunit la vieillesse. N’importe, je ne veux pas que la bien-aimée soit triste, ou que, livrée à elle-même, elle pense plus que son âge ne doit penser. Je me fais aider un peu par elle en lui demandant ce qu’elle voit dans ce pays de rochers et de ravins, qui ressemble si peu à ce qu’elle a vu jusqu’à présent. Elle y place des fées, des enfants qui voyagent sous la protection des bons esprits, des animaux qui parlent, des génies qui aiment les animaux et les enfants. Il faut alors raconter comme quoi le loup n’a pas mangé l’agneau qui suivait la petite fille, parce qu’une fée très-blonde est venue enchaîner le loup avec un de ses cheveux qu’il n’a jamais pu briser. Une autre fois il faut raconter comment la petite fille a dû