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avoir vu trois Prussiens, le casque en tête, assis au clair de la lune, sur les pierres jaumâtres, ces blocs énormes qui surmontent le vaste cromlech du mont Barlot.

Ils ont pu les voir ! Leurs âmes effarées ont vu trois âmes pensives que la rêverie faisait flotter sur les monuments druidiques de la vieille Gaule, et qui devisaient entre elles de l’avenir et du passé. Qui sait le rôle de l’idée quand elle sort de nous pour embrasser un horizon lointain dans le temps et dans l’espace ? Elle prend peut-être alors une figure que les extatiques perçoivent, elle prononce peut-être des paroles mystérieuses qu’une autre âme rêveuse peut seule entendre.

Donc supposons ; ils étaient trois : un du nord de l’Allemagne, un du centre, un du midi. Celui du nord disait :

— Nous tuons, nous brûlons, comme nous avons été tués et brûlés par la France. C’est justice, c’est la loi du retour, la peine du talion. Vive notre césar qui nous venge !