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ne l’aurais pas pu ; mais toute émotion soulevée par l’émotion générale appartient quand même à l’histoire d’une époque. J’ai traversé cette tourmente comme dans un îlot à chaque instant menacé d’être englouti par le flot qui montait. J’ai jugé à travers le nuage et l’écume les faits qui me sont parvenus ; mais j’ai tâché de saisir l’esprit de la France dans ces convulsions d’agonie, et à présent je voudrais pouvoir lui toucher le cœur pour savoir si elle est morte.

On ne peut juger que par induction, je tâte mon propre cœur et j’y trouve encore le sentiment de la vie. Si ce n’est pas l’espoir, c’est toujours la foi, et si ce n’était même plus la foi, ce serait encore l’amour ; tant qu’on aime, on n’est pas mort. La France ne peut pas se haïr elle-même, plus que jamais elle est la nation qui aime et qu’on aime. Si le gouvernement qui jurait de la sauver ou de mourir avec elle n’a su faire ni l’un ni l’autre, quelque espérance que nous ayons fondée sur ce gouvernement, quelques sympathies qu’il ait pu nous inspirer ou qu’il