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couverte de bois à pic et de rochers revêtus de plantes. Ce serait là, au printemps, un jardin naturel pour la botanique ; mais je ne vois plus rien qu’un ensemble, et on dit encore autour de moi :

Les Prussiens ne s’aviseront pas de venir ici !

— Toujours l’ennemi, le fléau devant les yeux ! Il se met en travers de tout ; c’est en vain que la terre est belle et que le ciel sourit. Le destructeur approche, les temps sont venus. Une terreur apocalyptique plane sur l’homme, et la nature s’efface.

On organise la défense ; s’ils nous en laissent le temps, la peur fera place à la colère. Ceux qui raisonnent ne sont pas effrayés du fait, et j’avoue que la bourrasque de l’invasion ne me préoccupe pas plus pour mon compte que le nuage qui monte à l’horizon dans un jour d’été. Il apporte peut-être la destruction aussi, la grêle qui dévaste, la foudre qui tue ; le nuage est même plus redoutable qu’une armée ennemie, car nul ne peut le conjurer et répondre par une artillerie