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liards. Nous aimerions mieux en donner dix que de céder des provinces qui sont devenues notre chair et notre sang. C’est là où l’on sent qu’une immense douleur peut nous atteindre. C’est pour cela que nous n’avons pas reculé devant une lutte que nous savions impossible, avec un gouvernement captif et une délégation débordée ; mais, fallût-il nous voir arracher ces provinces à la dernière extrémité, nous ne serions pas plus déshonorés que ne l’est le blessé à qui un boulet a emporté un membre.

Non, à l’heure qu’il est, notre honneur national est sauvé. Que l’on essaye encore pour l’honneur de perdre de nouvelles provinces, que les généraux continuent le duel pour l’honneur, c’est une obstination héroïque peut-être, mais que nous ne pouvons plus approuver, nous qui savons que tout est perdu. La partie ardente et généreuse de la France consent encore à souffrir, mais ceux qui répondent de ses destinées ne peuvent plus ignorer que la désorganisation est complète, qu’ils ne peuvent plus compter sur