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Si la disette se fait, on la cachera le plus longtemps possible pour ne pas alarmer la population ou dans la crainte d’être accusé de lassitude, et tout à coup il faudra bien avouer. Peut-être alors la population sera-t-elle exaspérée jusqu’à la haine ! La colère est injuste. On ira trop loin, comme on va peut-être trop loin pour Bazaine. J’ai peur que le système du gouvernement de Paris ne soit de cacher à la province ses défaillances, et que celui du gouvernement de la province ne soit de communiquer à Paris ses illusions. Dans tous les cas, ce qui se passe à Metz s’explique par les mouvements logiques du cœur humain. Dans le danger commun, personne ne veut faiblir ; on s’excite, on s’exalte, on ne veut pas croire qu’il soit possible de succomber. La prévoyance semble un crime. Il y a ivresse, le fait brutal arrive, et le premier qui le constate est lapidé. Personne ne veut s’en prendre à la destinée, personne ne veut avoir été vaincu. Il faut trouver des lâches, des traîtres, des agents visibles de la fatalité. La justice