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Ils vont tuer et brûler ailleurs, on appelle cela de bonnes nouvelles ! Châteaudun est leur proie d’aujourd’hui, et il paraît que nous ne pouvons rien empêcher.


Mardi 25 octobre.


La pauvre Laure vient de s’éteindre sans souffrir, après une mort anticipée qui dure depuis deux mois. C’est une autre manière d’être victime de l’invasion. Gravement atteinte, elle a dû fuir avec sa famille, faire un voyage impossible avec une courte avance sur les Prussiens, arriver ici brisée, mourante, tomber sur un lit sans savoir qu’elle était de retour dans son pays, y languir plusieurs semaines sans se rendre compte des événements qu’il n’était pas difficile de lui cacher, s’endormir enfin sans partager nos angoisses, qui dès le début l’avaient mortellement frappée au cœur. Elle avait le patriotisme ardent des âmes généreuses ; le rapide progrès de nos malheurs n’était pas nécessaire pour la tuer.