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ce point élevé, est toujours belle. Ce n’est pas le paysage fantaisiste et compliqué de la Creuse, c’est la grande ligne, l’horizon ondulé et largement ouvert, le pays bleu, comme l’appelle ma petite Aurore. Les arbres me paraissent énormes, le ciel me paraît incommensurable ; chargé de nuages noirs avec quelques courtes expansions de soleil rouge, il est tour à tour sombre et colère. J’aperçois au loin le toit brun de ma pauvre maison encore fermée à mes petites-filles, à moi par conséquent : enterrée dans les arbres, elle a l’air de se cacher pour ne pas nous attirer trop vite ; la variole règne autour et nous barre encore le chemin.

Qui sait si nous y rentrerons jamais ? L’ennemi n’est pas bien loin, et nous pouvons le voir arriver avant que la contagion nous permette de dormir chez nous une dernière nuit. Les paysans ont l’air de ne pas mettre au rang des choses possibles que le Berry soit envahit sous prétexte qu’en 1815 il ne l’a pas été. Moi, je m’essaye à l’idée d’une vie errante. Si nous sommes ruinés