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— Où me conduisez-vous ? s’écria Love en nous voyant repasser le brancard dans nos bricoles de cuir.

— À deux pas plus loin, lui répondis-je ; il fait trop froid ici pour nous qui avons chaud. C’est le camarade qui veut sortir de ce corridor de neige.

Elle nous demanda plusieurs fois s’il n’était pas temps de s’arrêter ; mais nous allions toujours, en lui disant que nous arrivions. Quand, après les neiges, elle se vit au pied du cône, elle s’écria qu’elle ne voulait pas aller plus loin ; mais nous étions déjà lancés, et, comme elle faisait mine de se lever pour arrêter Leclergue :

— Miss Love, lui dis-je avec autorité, il est trop tard ; si vous faites un mouvement, vous nous faites tomber, et nous sommes perdus tous les trois !

Elle se tint immobile, les mains crispées sur les bras du fauteuil et retenant sa respiration.

Si l’effort fut grand, Leclergue seul s’en aperçut, et encore avait-il le moins de peine, puisqu’il enlevait sans être chargé de retenir. Quant à moi, je ne m’aperçus de rien ; je n’étais plus dans les conditions régulières de la vie, et je crois que, si le cône eût été du double plus haut, je l’eusse escaladé sans effort ; je jouais le tout pour le tout ; il m’était absolument indifférent de mourir là, si je ne devais pas être aimé. Pourtant, lorsque j’arrivai, je tombai sur mes genoux