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chacun était-il encore à son travail, les uns à la scierie de planches de sapin, les autres aux réparations des chemins et sentiers emportés chaque hiver par la fonte des neiges, d’autres encore au commerce des fromages, à la cueillette du lichen sur le Puy-du-Capucin, ou à l’extraction des pierres d’alun de la carrière du Sancy. François eut donc peu de jaloux à écarter, bien que les Butler, étant absolument les seuls étrangers débarqués dans le village, devinssent nécessairement le point de mire des prétentions rivales.

Mon plan improvisé réussissait donc comme réussissent presque toujours les entreprises que l’on ne discute pas. François critiqua seulement mon costume, qui lui parut beaucoup trop neuf pour être porté dans la semaine. Il me prêta une casquette bordée de loutre et une camisole de laine rayée avec un gilet de velours sans manches. Il me fit ôter mes bretelles et les remplaça par une ceinture rouge roulée en corde. Il retailla lui-même ma barbe et mes cheveux à sa guise. J’étais bien pour le moins aussi hâlé que lui, et il fut obligé de me déclarer irréprochable. Cette nouvelle toilette me donnait l’avantage de n’être pas reconnu aisément pour l’homme qui avait repoussé le taureau sur la route de Saint-Nectaire. Aussi, quand je parus devant la famille Butler, ni elle ni ses gens ne songèrent à me remarquer.