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aurais arraché le secret de l’âme impénétrable où elle s’était formée, car les larmes viennent de l’âme, puisque la volonté ne peut les contenir sans que l’âme consente à changer de préoccupation.

Quand, après le départ de la famille, je me fus bien assuré, en épiant la physionomie enjouée du père et les allures tranquilles du fils, que ni l’un ni l’autre ne pouvaient donner d’inquiétude immédiatement à miss Love, quand j’eus exploré du regard tous les environs, et que toute jalousie se fut dissipée, je me pris à boire l’espérance dans cette larme que j’avais surprise. Et pourquoi cette âme tendre n’aurait-elle pas des aspirations vers l’amour, des regrets pour le passé ? Elle n’était pas assez ardente pour se briser par la douleur, mais elle avait ses moments de langueur et d’ennui, et, si ma passion voulait se contenter d’un sentiment doux et un peu tiède, je pouvais encore émouvoir cette belle statue et recevoir le bienfait caressant et infécond de sa pitié !

Je fus épouvanté de ce qui se passait en moi. Ravagé par cinq années de tortures, j’aspirais à recommencer ma vie en la reprenant à la page où je l’avais laissée.