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que vous me nommiez seulement les gens. Je suis très-heureuse, et à présent je sais qu’il serait trop tard pour essayer de changer les conditions de mon bonheur. Je suis devenue de plus en plus nécessaire à mon père, et même je vous avouerai que je me suis prise d’amour aussi pour ces études qui autrefois n’étaient pour moi qu’un devoir. Je ne me sens donc plus propre à vivre dans le monde. La sécurité, la possession du temps sont une nécessité de notre intérieur et de nos travaux.

» Voilà ce qu’elle dit et ce qu’elle pense, car elle est devenue presque aussi savante que son père, et je la soupçonne fort d’écrire sous son nom. Elle est toujours aussi modeste et cache même son savoir ; mais ce n’est point par coquetterie, par crainte d’effaroucher les amoureux, puisqu’elle n’en veut pas entendre parler : c’est tout bonnement pour ne pas donner trop d’émulation au jeune frère, lequel est porté à la jalousie en toutes choses, et qui ne permettrait pas à sa sœur d’aller plus vite que lui, s’il savait qu’en effet elle l’a beaucoup devancé. On ménage toujours la santé de ce garçon, qui ne sera jamais un Méléagre, encore moins un Hercule, mais qui vivotera dans les livres, et qui s’y ruinera comme son père, dès qu’il sera libre de le faire.

» À ce propos, je dois vous dire qu’il va bien, le