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nation d’un amour sauvage et terrible, quand je la sentais ainsi, abandonnée et chaste, sur ma poitrine, je ne songeais seulement plus à ce que mes désirs avaient mis de rage dans mon sang. Je la regardais avec tendresse, mais avec autant de respect que si elle eût été ma sœur. Je baisais doucement ses cheveux, je n’aurais pas osé les soulever pour baiser son front nu, et son pauvre cœur qui palpitait comme celui d’un oiseau blessé, je le sentais près du mien sans me souvenir d’une autre union que celle de nos âmes.

La douceur de Love devait me vaincre, et elle me vainquit. Encore une fois je cédai. Je promis d’attendre, sans me désespérer, la guérison de Hope, dût-elle tarder à être radicale. Tarder combien de temps ? Hélas ! je n’osai fixer un terme, dans la crainte de le voir dépassé et de ne pouvoir m’y soumettre. Love cherchait à me donner de l’espérance, mais elle n’en avait pas assez elle-même pour régler quoi que ce soit dans notre avenir. Elle promettait sans effort et sans hésitation de m’aimer, et même de m’écrire, de me tenir au courant, et, quoique tout cela me parût bien calme auprès de ce que j’allais souffrir et subir pour l’amour d’elle, je me sentais encore si heureux de cette affection suave et sainte, que je n’eusse pas changé mon sort contre celui d’aucun autre homme sur la terre.