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jean ziska.

cements, qu’on ignore son nom de famille. On sait seulement qu’il s’appelait Jean, le nom à la mode dans ces temps-là ; le surnom de Ziska signifie borgne : il l’était depuis son enfance. On assure qu’il était noble. Il naquit pauvre, et vécut dans la pauvreté au milieu du pillage, par sobriété naturelle et par austérité de caractère, mais sans qu’il ait paru regarder le communisme pratiqué par ses soldats comme autre chose qu’une excellente mesure de discipline dans ces temps difficiles. Rien ne révèle en lui des aptitudes philosophiques, ni aucune méditation religieuse profonde. C’est un fanatique de patriotisme ; mais ce n’est point un fanatique de religion, et si ses instincts de divination stratégique approchent de la faculté extatique, il ne paraît point s’être embarrassé beaucoup des questions théologiques de son temps. Il comprenait la mission qui lui était départie dans les jours du zèle et de la fureur, et il s’y donna tout entier. Entreprenant, opiniâtre, vindicatif, cruel, invincible et invaincu, cet homme était la colère de Dieu incarnée. Aussi, ce n’est pas un illuminé sublime comme Jeanne d’Arc ; il n’est pas non plus comme elle l’inspiration et le cœur de la guerre patriotique ; mais il en est la tête et le bras, et comme elle en est le palladium et l’oriflamme, il en est la torche et le glaive.

Il naquit à Trocznova, dans le district de Kœnigsgratz, on ignore à quelle époque. On sait seulement qu’il fut page de Charles IV, et qu’il servit avec éclat en Pologne dans la guerre contre les chevaliers Teutoniques, en 1410. Il est probable qu’il n’avait guère moins de quarante-cinq ans au début de la guerre des hussites. Il était au service de Wenceslas à l’époque du supplice de Jean Huss, et on assure qu’il obtint de son maître la permission de jurer haine et vengeance contre les meurtriers. Il fut de ceux qui regardèrent la perfidie