Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/36

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
31
jean ziska.

geuses de sa jeunesse. Ils cherchèrent des sympathies chez les autres peuples, et y répandirent mystérieusement leur doctrine, s’adressant aux hommes les plus remarquables, suivant l’usage de ces temps de persécutions. On prétend que Jean Huss repoussa d’abord avec horreur la pensée de l’hérésie, mais qu’il fut séduit par deux jeunes gens arrivés d’Angleterre, sous prétexte de prendre ses leçons. On raconte même à ce sujet une anecdote qui ressemble fort à une légende. Mais la poésie des traditions a son importance historique ; elle donne, mieux parfois que l’histoire, l’idée des mœurs et des sentiments d’une époque : enfin elle ajoute la couleur au dessin souvent bien sec de l’histoire, et à cause de cela, elle ne doit pas être méprisée.

Nos deux écoliers wickléfistes prièrent donc Jean Huss, leur maître et leur hôte, de leur permettre d’orner de quelques fresques le vestibule de sa maison. « Ce qu’ayant obtenu, ils représentèrent, d’un côté, Jésus-Christ entrant à Jérusalem sur une ânesse, suivi de la populace à pied ; et, de l’autre, le pape monté superbement sur un beau cheval caparaçonné, précédé de gens de guerre bien armez, de timbaliers, de tambours, de joueurs d’instruments, et des cardinaux bien montez et magnifiquement ornez. » Tout le monde alla voir ces peintures, les uns admirant, les autres criminalisant les tableaux.

Jean Huss aurait donc été frappé de l’antithèse ingénieuse que cette image lui mettait sous les yeux à toute heure. Il aurait médité sur la simplicité indigente du divin maître et de ses disciples, les pauvres de la terre et les simples de cœur ; sur la corruption et le luxe insolent de l’autocratie catholique, et il se serait décidé à lire Wicklef. Aussitôt qu’il se fut mis à le répandre et à l’expliquer, de nombreuses sympathies répondirent à son appel. La Bohême avait bien des raisons pour abonder dans ce