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damnant, pour ainsi dire, à reprendre cette lecture à bâtons rompus, nous avions réussi à nous faire l’idée de cette pure conception et de ce plan admirable ; mais la force, la clarté, la rapidité et la chaude couleur du style nous échappaient absolument. Nous disions avec les autres : C’est peut-être beau en allemand ; mais la beauté du stylo germanique est apparemment intraduisible ; et ce mélange d’emphase obscure ou de puérile naïveté choque notre goût et rebute l’exigence de notre logique française. Nous sommes donc bien heureux qu’une grande intelligence ait pu consacrer quelque loisir de jeunesse à écrira Werther en bon et beau français ; car nous lui devons une des plus grandes jouissances de notre esprit.

En effet, nous le savons maintenant, Werther est un chef-d’œuvre, et là, comme partout, Gœthe est aussi grand comme écrivain que comme penseur. Quelle netteté, quoi mouvement, quelle chaleur dans son expression ! Comme il peint à grands traits, comme il raconte avec feu ! Comme il est clair, surtout, lui à qui nous nous étions avisé de reprocher d’être diffus, vague et inintelligible ! Grâce à Dieu, depuis quelques années, nous avons enfin des traductions très-soignées de ses principaux ouvrages, et le Werther particulièrement est désormais aussi attachant à la lecture, dans notre langue, que si Gœthe l’eût écrit lui-même en français.

La préface de M. Leroux est un morceau d’une trop grande importance philosophique, les questions de fond y sont traitées d’une manière trop complète, pour que nous puissions rien ajouter à son jugement sur la littérature

du dix-huitième et du dix-neuvième siècle. Nous

nous bornerons à exprimer brièvement notre admiration personnelle pour le roman de Werther, en tant qu’œuvre d’art, et en tant qui forme.

Il n’appartient qu’à un génie du premier ordre d’exci-