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impiétés sociales ; ce ne sont plus quelques prisonniers chrétiens qu’il s’agit de racheter, c’est la presque totalité du genre humain qu’il faut arracher à l’esclavage.

Il nous reste à vous demander ce que c’est que la philosophie moderne qui fournit à votre article une conclusion si rassurante et des promesses si splendides. Il existe donc maintenant une philosophie définie, formulée, complète, irrécusable ? La religion de l’avenir est donc établie ? La sagesse des nations est donc promulguée ? Les gouvernements et les peuples existent donc désormais en vertu d’une haute raison et d’une souveraine intelligence qui établissent entre eux des rapports agréables ? Nous ne l’avions pas encore ouï dire, et nous sommes bien heureux de l’apprendre, nous qui, au sein de nos espérances et de nos découragements, tour à tour pleins de joie et de douleur, avions pensé que, malgré les progrès de l’esprit humain, les découvertes de la science, la chute de l’ancienne aristocratie et les triomphes importants de l’industrie, il restait encore bien des abîmes à combler auxquels personne ne daignait prendre garde, bien des turpitudes à faire cesser auxquelles on prêtait l’appui d’une tolérance intéressée ou insouciante, bien des misères à secourir auxquelles il était (disait-on) inutile, frivole ou dangereux de songer. Vous nous assurez que la philosophie moderne a pourvu à tout, qu’elle est satisfaite de ce qui se passe, qu’elle n’est nullement atteinte de cette vaine sensibilité qui nous intéresse aux souffrances d’autrui, qu’elle attend avec une noble patience le résultat du progrès, dont elle ne nous paraît guère s’occuper et dont elle ne veut pas qu’on s’occupe à sa place, qu’elle n’a plus à démontrer aujourd’hui quelques idées premières désormais hors de toute discussion, telles que l’égalité des hommes entre eux, l’immortelle spiritualité de l’âme, etc. ;