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pables de gouverner l’autre, et vous devez dès lors mettre l’individu en tutelle comme le citoyen. Et cette tutelle absolue, cette confiscation du libre arbitre en toutes choses, qu’est-ce, sinon l’esclavage ?

Ce n’est pas là que vous voulez venir, nous le savons, et vous n’oseriez pas tirer vous-même de telles conclusions de vos prémisses. Mais elles n’en sont pas moins rigoureuses, et n’en condamnent pas moins certainement les adversaires de la souveraineté du peuple, résultat des souverainetés individuelles. Pourtant nous voulons accorder que vous ayez raison en ce point, et que le peuple, en nous servant avec vous d’une autre définition que votre pensée ultérieure nous force de supposer complètement différente de la première, a droit de vivre et de se développer, mais non de gouverner la société. Puisque le peuple n’est plus toute la société, il n’en est donc plus qu’une partie. Si cette partie de la société n’a pas le droit d’intervenir dans le gouvernement, elle ne pourra donc vivre et se développer que suivant le bon plaisir de l’autre partie, de la société qui occupera le gouvernement. Cette autre partie, c’est, dans votre système, la bourgeoisie. Donc, s’il plaisait à cette bourgeoisie nécessaire, indestructible et toute puissante, comme vous l’appelez, d’empêcher le peuple de vivre et de se développer, il faudrait que le peuple cessât de se développer et de vivre. La bourgeoisie souveraine, en tant que représentant la souveraineté de l’esprit humain, peut tout faire sans que le peuple, qui ne représente que lui-même, c’est-à-dire rien, puisse se révolter contre cette infaillibilité nouvelle que vous bâtissez sur les ruines de l’infaillibilité catholique. Ou bien s’il ne veut se laisser ni abrutir, ni dépouiller, ni égorger, s’il se révolte contre cette bourgeoisie oppressive, il commet un crime de lèse-majesté contre la souveraineté de l’esprit humain.