Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/314

Cette page n’a pas encore été corrigée

victime de plus sur laquelle Astolphe assoira l’édifice de sa fortune.

LE PRÉCEPTEUR.

Je ne vous comprends pas, mon enfant !

GABRIEL.

Astolphe vous expliquera tout ceci demain matin. Demain je quitterai Rome.

LE PRÉCEPTEUR.

Avec lui, sans doute ?

GABRIEL.

Non, mon ami ; je quitte Astolphe pour toujours.

LE PRÉCEPTEUR.

Ne savez-vous point pardonner ? C’est vous-même que vous allez punir le plus cruellement.

GABRIEL.

Je le sais, et je lui pardonne dans mon cœur ce que je vais souffrir. Un jour viendra où je pourrai lui tendre une main fraternelle ; aujourd’hui je ne saurais le voir.

LE PRÉCEPTEUR.

Laissez-moi l’amener à vos pieds : quoique l’heure soit fort avancée, je sais que je le trouverai debout ; il a pris un déguisement pour vous chercher.

GABRIEL.

À l’heure qu’il est, il ne me cherche pas. Je suis mieux informé que vous, mon cher abbé ; et, lorsque vous entendez ses paroles, moi j’entends ses pensées. Écoutez bien ce que je vais vous dire. Astolphe ne m’aime plus. La première fois qu’il m’outragea par un soupçon injuste, je compris qu’il blasphémait contre l’amour, parce que son cœur était las d’aimer. Je luttai longtemps contre cette horrible certitude. À présent, je ne puis plus m’y soustraire. Avec le doute, l’ingratitude est entrée dans le cœur d’Astolphe, et, à mesure qu’il tuait notre amour par ses méfiances, d’autres passions sont venues chez