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me faisait horreur, pour un amour sublime, pour des joies idéales ! Et loue-moi aussi pour le respect et la vénération que je te porte ! J’avais en toi le meilleur des amis ; un soir Dieu fit un miracle et te changea en une maîtresse adorable : je ne t’en aimai que mieux. N’est-ce pas bien charitable et bien méritoire de ma part ?

GABRIELLE.

Cher Astolphe, je vois que tu es calme : va embrasser et rassurer ta mère, ou laisse-moi lui parler pour nous deux. J’adoucirai son antipathie contre moi, je détruirai ses préventions ; ma sincérité la touchera, j’en suis sûre ; il est impossible qu’elle ne soit pas aimante et généreuse, elle est ta mère !…

ASTOLPHE.

Cher ange ! oui, je suis calme. Quand je passe un instant près de toi, tout orage s’apaise, et la paix des cieux descend dans mon âme. J’irai trouver ma mère, je ferai acte de respect et de soumission, c’est tout ce qu’elle demande ; après quoi nous partirons d’ici ; car le mal est sans remède, je le sais, moi ! Je connais ma mère, je connais les femmes, et tu ne les connais pas, toi qui n’es pas à moitié homme et à moitié femme comme tu le crois, mais un ange sous la forme humaine. Tu ferais ici de vains efforts de patience et de vertu, on n’y croirait pas ; et, si on y croyait, on te serait d’autant plus hostile qu’on serait plus humilié de ta supériorité. Tu sais bien que le coupable ne pardonne pas à l’innocent les torts qu’il a eus envers lui ; c’est une loi fatale de l’orgueil humain, de l’orgueil féminin surtout, qui ne connaît pas les secours du raisonnement et le frein de la force intelligente. Ma mère est orgueilleuse avant tout. Elle fut toujours un modèle des vertus domestiques ; tristes vertus, crois-moi, quand elles ne sont inspirées ni par l’amour ni par le dévouement. Pénétrée depuis long-