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mot de ma bouche, un regard de mes yeux, le feront tomber à mes genoux et me suivre, fallût-il vous abandonner sur votre lit de mort, fallût-il marcher sur votre corps pour venir à moi ! Mon Dieu, mon Dieu ! et il s’étonne que je la déteste, et il veut que je l’aime ! (Elle sanglote).

ASTOLPHE, qui a écouté sa mère dans un profond silence, les bras croises sur sa poitrine.

Ô jalousie de la femme ! soif inextinguible de domination ! Est-il possible que tu viennes mêler ta détestable influence aux sentiments les plus purs et les plus sacrés de la nature ! Je te croyais exclusivement réservée aux vils tourments des âmes lâches et vindicatives. Je t’avais vue régner dans le langage impur des courtisanes ; et, dans les ardeurs brutales de la débauche, j’avais lutté moi-même contre les instincts féroces qui me rabaissaient à mes propres yeux. Quelquefois aussi, ô jalousie ! je t’avais vue de loin avilir la dignité du lien conjugal et mêler à la joie des saintes amours les discordes honteuses, les ridicules querelles qui dégradent également celui qui les suscite et celui qui les supporte. Mais je n’aurais jamais pensé que dans le sanctuaire auguste de la famille, entre la mère et ses enfants (lien sacré que la Providence semblé avoir épuré et ennobli jusque chez la brute), tu osasses venir exercer tes fureurs ! Ô déplorable instinct, funeste besoin de souffrir et de faire souffrir ! est-il possible que je te rencontre jusque dans le sein de ma mère ! (Il cache son visage dans ses mains et dévore ses larmes.)

SETTIMIA, essuie les siennes et se lève.

Mon fils, la leçon est sévère ! Je ne sais pas jusqu’à quel point il sied à un fils de la donner à sa mère ; mais, de quelque part qu’elle me vienne, je la recevrai comme une épreuve à laquelle Dieu me condamne. Si je l’ai méritée de vous, elle est assez cruelle pour expier