Page:Sand - Jean Ziska, 1867.djvu/197

Cette page n’a pas encore été corrigée

donc moins précieuse que la mienne ? La mienne ! n’est-elle pas à jamais misérable ? n’est-elle pas criminelle aussi ? Mon Dieu ! pardonnez-moi. J’ai accordé la vie à l’autre… je n’aurais pas eu le courage de la lui ôter… Et lui !… qui dort là si profondément, il n’eût pas fait grâce ; il n’en voulait laisser échapper aucun ! Était-ce courage ? était-ce férocité ?

ASTOLPHE, rêvant.

À moi ! à l’aide ! on m’assassine… (Il s’agite sur son lit.) Infâmes ! six contre un !… Je perds tout mon sang !… Dieu, Dieu !

(Il s’éveille en poussant des cris. Marc s’éveille en sursaut et court au hasard ; Astolphe se lève égaré et le prend à la gorge. Tous deux crient et luttent ensemble. Gabriel se jette au milieu d’eux.)

GABRIEL.

Arrêtez, Astolphe ! revenez à vous : c’est un rêve !… Vous maltraitez mon vieux serviteur.

(Il le secoue et l’éveille.)

ASTOLPHE, va tomber sur son lit et s’essuie le front.

C’est un affreux cauchemar en effet ! Oui, je vous reconnais bien maintenant ! Je suis couvert d’une sueur glacée. J’ai bu ce soir du vin détestable. Ne faites pas attention à moi.

(Il s’étend pour dormir. Gabriel jette son manteau sur Astolphe et va se rasseoir sur son lit.)

GABRIEL.

Ah ! ils rêvent donc aussi, les autres !… Ils connaissent donc le trouble, l’égarement, la crainte… du moins en songe ! Ce lourd sommeil n’est que le fait d’une organisation plus grossière… ou plus robuste ; ce n’est pas le résultat d’une âme plus ferme, d’une imagination plus calme. Je ne sais pourquoi cet orage qui a passé sur lui