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mot. Vous avez su donner à ses idées cette tendance particulière, originale… Vous savez ce que je veux dire ?

LE PRÉCEPTEUR.

Oui, monseigneur. Dès sa plus tendre enfance (votre altesse avait donné elle-même à son imagination cette première impulsion), il a été pénétré de la grandeur du rôle masculin, et de l’abjection du rôle féminin dans la nature et dans la société. Les premiers tableaux qui ont frappé ses regards, les premiers traits de l’histoire qui ont éveillé ses idées, lui ont montré la faiblesse et l’asservissement d’un sexe, la liberté et la puissance de l’autre. Vous pouvez voir sur ces panneaux les fresques que j’ai fait exécuter par vos ordres : ici l’enlèvement des Sabines, sur cet autre la trahison de Tarpéia ; puis le crime et le châtiment des filles de Danaüs ; là une vente de femmes esclaves en Orient ; ailleurs, ce sont des reines répudiées, des amantes méprisées ou trahies, des veuves indoues immolées sur les bûchers de leurs époux ; partout la femme esclave, propriété, conquête, n’essayant de secouer ses fers que pour encourir une peine plus rude encore, et ne réussissant à les briser que par le mensonge, la trahison, les crimes lâches et inutiles.

LE PRINCE.

Et quels sentiments ont éveillés en lui ces exemples continuels ?

LE PRÉCEPTEUR.

Un mélange d’horreur et de compassion, de sympathie et de haine…

LE PRINCE.

De sympathie, dites-vous ? A-t-il jamais vu aucune femme ? A-t-il jamais pu échanger quelques paroles avec des personnes d’un autre sexe que… le sien ?…