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jean ziska.

pénétra au cœur de l’Autriche, où il porta l’effroi et la ruine jusqu’aux rives du Danube. L’archiduc, ayant marché sur lui, ne le trouva plus. Ziska ne risquait jamais inutilement une bataille. Ennemi rapide, audacieux et insaisissable, la promptitude de ses résolutions le conduisait là où on l’attendait le moins, et le faisait disparaître, comme par magie, des lieux où on croyait l’atteindre. Il lui suffisait de marquer sa course par des ruines, et cette manière d’affaiblir l’ennemi était la plus sûre pour gagner du temps et ralentir l’effort de l’invasion.

Tandis qu’on le cherchait vers le Danube, il était déjà retourné en Moravie, et y prenait des forteresses. À Cremzir, il fut forcé d’en venir aux mains avec Jean de fer ; c’était un adversaire digne de lui. Attaqué à l’improviste, au milieu de la nuit, soit que la situation fût grave, soit que Ziska commençât à douter de son étoile, on rapporte qu’il fut épouvanté, et que sans Procope il eût été défait pour la première fois ; mais Procope, blessé au visage, baissa la visière de son casque pour cacher son sang, et, entouré de la troupe d’élite qu’on appelait la cohorte fraternelle, fit des prodiges de valeur. Il se jeta dans la mêlée avec tant de furie, que Ziska, craignant qu’il ne s’engageât trop avant, fut forcé de réprimer son ardeur ; puis il retrancha son armée derrière les chariots, et feignit d’attendre le jour pour recommencer le combat. L’évêque, s’étant retiré à Olmutz, et comptant sur un renfort d’Autrichiens pour le lendemain, ne s’inquiéta pas davantage cette nuit-là. Mais, au point du jour, Ziska avait fait plier bagage : averti par des espions diligents de l’approche des Autrichiens, il était reparti pour la Bohême, ravageant, tuant et brûlant tout sur les terres de l’évêque et dans le pays morave.

Il trouva Graditz retombée au pouvoir des Calixtins. A peine sorti victorieux d’une embuscade que des sei-