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jean ziska.

avaient nié la présence réelle et qui n’y croyaient pas, on peut présumer que Ziska châtiait dans Loquis et redoutait dans le Prémontré des hommes d’une politique plus hardie encore et d’une influence plus immédiate que les siennes[1]. Ziska voulait sauver la Bohême selon un plan conçu avec autant de prudence que de courage. L’audace ne lui manquait pas plus que la ruse. Il s’alliait au parti calixtin dans l’occasion, et s’en détachait de même. À un moment donné, il pensa devoir sacrifier des hommes qui lui semblaient, par leur fougueuse sincérité, devoir compromettre la révolution. Il craignit que la négation du dogme de la présence réelle, négation qui entraînait de si profondes conséquences, n’effarouchât le nombreux et puissant juste-milieu, et ne le brouillât lui-même sans retour avec ces classes dont il croyait que son œuvre ne pouvait se passer. Ziska se trompait en espérant faire marcher de front les résistances de divers ordres de l’État contre l’empereur. En ce moment, il était enivré sans doute de l’adhésion du parti catholique, et il concevait de grandes espérances. Il éprouva bientôt ce qu’il devait attendre de ces alliances impossibles.

  1. Il est bien certain que ces Picards blâmaient la conduite de Ziska à l’égard de la religion. Ils le raillaient de se faire dire la messe selon les missels par des prêtres calixtins, et appelaient ces prêtres lingers (lintearios) à cause de leurs surplis de toile. Les Calixtins de Ziska (car il y avait des Taborites Calixtins, c’est-à-dire des hommes qui, comme lui, suivaient la religion de Prague et la politique de Tabor) raillaient à leur tour ces prêtres réformateurs, et les appelaient les cordonniers de Ziska, parce que, dit-on, ils portaient les mêmes souliers à l’office et en campagne. Cette explication me semble un peu gratuite. Les cordonniers avaient joué le rôle le plus énergique à Prague, dans les proclamations religieuses et dans les émeutes. Ils faisaient pendant aux bouchers des séditions de Paris à la même époque, et je pense que l’appellation de cordonnier était devenue synonyme, en Bohême, de celle de sans-culotte dans notre révolution.