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et infortunée créature, je ne te pardonne pas, je t’aime trop pour cela !

— Tu as raison, Jacques, s’écria-t-elle, c’est ainsi qu’il faut aimer, ou ne pas s’en mêler !

Et, se précipitant dans mes bras, elle m’étreignit contre son cœur avec passion.

Mais cette femme avait trop souffert pour être confiante. De sinistres prévisions glacèrent ses premiers transports.

— Écoute, Jacques, dit-elle, tu sais bien tout ! Je suis une femme entretenue ; tu le sais à présent ! Je suis la maîtresse du comte Félix de *** ; sais-tu cela ? Nous sommes ici chez lui, il peut arriver et nous chasser l’un et l’autre ; y songes-tu ? En ce moment tu risques ton honneur, et moi mon opulence et la dernière planche de salut offerte à ma considération, sinon comme femme estimable, du moins comme beauté désirable et puissante.

— Que nous importe, Julie ? Demain tu quitteras cette prison dorée où ton âme languit. Tu viendras partager la misère du pauvre rêveur. Je travaillerai pour te faire vivre, je suspendrai mes rêveries, je donnerai des leçons. Nous fuirons ensemble dans quelque ville de province, loin d’ici, loin de tes ennemis. Tu trouveras cette vie pure et simple à laquelle tu