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cret d’Alice, car Isidora serait perdue ! Rassurez-vous, il l’ignorera. Fiez-vous à la dignité d’une âme comme celle d’Alice. Elle a trop souffert pour perdre le fruit d’une victoire si chèrement achetée. Et ce serait bien en vain qu’elle apprendrait maintenant toute la vérité. Le soir où elle compta, en regardant la pendule, les minutes et les heures que son amant passait aux pieds d’une rivale, elle s’était fait ce raisonnement : S’il ne m’aime pas, je ne puis vivre de honte et d’humiliation : S’il m’aime et qu’il se laisse distraire seulement une heure, je ne pourrai jamais le lui pardonner. Dans tous les cas, il faut que je guérisse.

Ne la trouvez pas trop orgueilleuse. À vingt-cinq ans, elle n’avait jamais aimé, et elle s’était fait de l’amour un idéal divin. Elle ne pouvait pas comprendre les faiblesses, les entraînements, les défaillances des amours de ce monde. À la voir si indulgente, si généreuse, si étrangère par conséquent aux passions des autres, on jurerait qu’elle n’essayera plus d’aimer.

Vous me direz que c’est invraisemblable, et qu’on ne peut pas finir si follement un roman si sérieux. Et si je vous disais qu’Alice est si bien guérie qu’elle en meurt ? vous ne le croiriez pas ; personne ne s’en