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celle d’être aimée ! Suis-je donc criminelle pour n’avoir pas trouvé l’amour, pour moins encore, pour n’avoir pas su qu’il n’existait pas ?

« Et, ne trouvant pas la réalité de l’amour, il a fallu me contenter du semblant. Des hommages et des dons, ce n’est pas l’amour, et pourtant la plupart des femmes qui portent le même nom que moi dans la société n’en demandent pas davantage. Mais le plus grand malheur qui puisse échoir à une femme comme moi, c’est de n’être pas stupide. Une courtisane intelligente, douée d’un esprit sérieux et d’un cœur aimant ! mais c’est une monstruosité ! Et pourtant je ne suis pas la seule. Quelques unes d’entre nous meurent de douleur, de dégoût et de regrets, au milieu de cette vie de plaisir, d’opulence et de frivolité qu’elles ont acceptée. Ce n’est pas la cupidité, ce n’est pas le libertinage, qui les ont conduites à ce que la société considère comme un état de dégradation. Il est vrai qu’elles ont commis, comme moi, des fautes, et qu’elles ont caressé aussi de dangereuses, de coupables erreurs. Elles ont accepté leur opulence de mains indignes, et lâchement reçu comme un dédommagement de leur esclavage ou de leur abandon, des richesses qu’elles auraient dû haïr et repousser. Il y a beaucoup d’intrigantes qui,