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Puis, la regardant en face, elle vit cette douce et bienfaisante figure qui s’efforçait de lui sourire à travers ses larmes.

Ce fut comme un choc électrique. Il y avait peut-être vingt ans qu’Isidora n’avait senti l’étreinte affectueuse, le regard compatissant d’une femme pure ; il y avait peut-être vingt ans qu’elle raidissait son âme orgueilleuse contre tout insultant dédain, contre toute humiliante pitié. Malgré ce que Félix lui avait dit de la bonté de sa sœur, et peut-être même à cause de ce respect enthousiaste qu’il avait pour Alice, Isidora était venue la trouver, le cœur disposé à la haine. On ne sait pas ce que c’est que le mépris d’une femme pour une femme. Pour la première fois depuis qu’elle était tombée dans l’abîme de la corruption, Isidora recevait d’une femme honnête (comme ses pareilles disent avec fureur) une marque d’intérêt qui ne l’humiliait pas. Tout son orgueil tomba devant une caresse. La glace dont elle s’était cuirassée se fondit en un instant. Toutes les facultés aimantes de son être se réveillèrent ; et, passant d’un excès de réserve à un excès d’expansion, ainsi qu’il arrive à ceux qui luttent depuis longtemps, elle se laissa tomber aux pieds d’Alice, elle embrassa ses genoux avec transport, et s’écria à plusieurs