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— J’y ai pensé souvent d’abord, et puis quelquefois seulement ; je ne suis pas arrivé à juger son caractère d’une manière absolue ; mais sa position, je l’ai jugée.

— C’est là ce qui m’intéresse, parlez.

— Sa position a été fausse, impossible ; elle trouvait dans sa vie le contraste monstrueux qui réagissait sur son cœur et sa pensée : ici le faste et les hommages de la royauté, là le mépris et la honte de l’esclavage ; au dedans les dons et les caresses d’un maître asservi, au dehors l’outrage et l’abandon des courtisans furieux. D’où j’ai conclu que la société n’avait pas donné d’autre issue aux facultés de la femme belle et intelligente, mais née dans la misère, que la corruption et le désespoir. La femme richement douée a besoin d’amour, de bonheur et de poésie. Elle n’en trouve que le semblant quand elle est forcée de conquérir ces biens par des moyens que la société flétrit et désavoue. Mais pourquoi la société lui rend-elle la satisfaction légitime impossible et les plaisirs illicites si faciles ? Pourquoi donne-t-elle l’horrible misère aux filles honnêtes et la richesse seulement à celles qui s’égarent ? Tout cela fournit bien matière à quelques réflexions, n’est-ce pas, madame ?