Page:Sand - Isidora, 1845.djvu/111

Cette page n’a pas encore été corrigée

véritable dans les jeunes cœurs, et qui fait qu’on s’annihile soi-même dans la contemplation de l’être qu’on adore. Rarement deux âmes également éprises se rencontrent dans les romans plus ou moins complets dont la vie est traversée. C’est pourquoi celui-ci pourra paraître invraisemblable à beaucoup de gens. C’est pourtant une histoire vraie, malgré la vérité d’une foule d’histoires qui pourraient en combattre victorieusement la probabilité.

Aussitôt qu’Alice put voir clair dans son propre cœur, et cela ne fut pas bien long, elle interrogea avec effroi la manière d’être de Jacques avec elle. Elle y trouva une timidité qui augmenta la sienne et une tristesse qui lui fit craindre de se heurter contre un autre amour. La fierté légitime d’une âme complètement vierge la mit dès lors en garde contre elle-même ; elle veilla si attentivement sur ses paroles et sur sa contenance, que tout encouragement fut enlevé au pauvre Jacques. Il fit comme Alice, dans la crainte de paraître présomptueux et ridicule. Il aima en silence, et au lieu de faire des progrès, leur intimité diminua insensiblement à mesure que la passion couvait plus profonde dans leur sein.

L’intervention du personnage étrange d’Isidora dans cette situation fit porter à faux la lumière dans