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IMPRESSIONS ET SOUVENIRS.

crois, prendre la question de plus haut encore et appeler les savants à démontrer que les forêts séculaires sont un élément essentiel de notre équilibre physique, qu’elles conservent dans leurs sanctuaires des principes de vie qu’on ne neutralise pas impunément, et que tous les habitants de la France sont directement intéressés à ne pas laisser dépouiller la France de ses vastes ombrages, réservoirs d’humidité nécessaire à l’air qu’ils respirent et au sol qu’ils exploitent.

Un illustre ami, le poëte de premier ordre qui vient de nous quitter, Théophile Gautier avait des paradoxes dont il n’était pas la dupe. Il nous disait, un jour, que les plantes, étaient relativement à nous, des suçoirs qui absorbaient notre air respirable, et que son idéal hygiénique, à lui, était de vivre dans un jardin composé d’allées et de plates-bandes de bitume, avec de bons siéges capitonnés et des narghilés toujours allumés, en guise de parterres et de massifs.

Quelqu’un lui fit observer que si les plantes absorbaient une partie de notre alimentation aérienne, elles nous rendaient au centuple des éléments de nutrition moléculaire dont la privation nous serait mortelle. Il le savait fort bien, car il savait beaucoup, et il pouvait soutenir contre lui-même des thèses que nul n’eût mieux plaidées.

Les grands végétaux sont donc des foyers de vie

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