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DE GRIBOUILLE

toujours heureux. Les avares amassent lentement et jouissent peu de ce qu’ils possèdent ; les pillards sont toujours riches quand même ils dépensent, car, quand ils ont bien mangé, ils recommencent à prendre, et comme il y a toujours des travailleurs économes, il y a toujours moyen de s’enrichir à leurs dépens. Ça, mon ami, je vous ai dit le dernier mot de la science, choisissez, et, si vous voulez être bourdon, je vous ferai recevoir magicien comme je le suis.

— Et quand je serai magicien, dit Gribouille, que m’arrivera-t-il ?

— Vous saurez prendre, répondit M. Bourdon.

— Et pour le devenir, que faut-il faire ?

— Faire serment de renoncer à la pitié et à cette sotte vertu qu’on appelle la probité.

— Tous les magiciens font-ils ce serment-là ? dit Gribouille.

— Il y en a, répondit M. Bourdon, qui font le serment contraire, et qui font métier de servir, de protéger et d’aimer tout ce qui respire ; mais ce sont des imbéciles qui prennent, par vanité, le titre de bons génies et qui n’ont aucun pouvoir sur la terre. Ils vivent dans les fleurs, dans les ruisseaux, dans les déserts, dans les rochers, et les hommes ne leur obéissent pas ; ils ne les connaissent même point ; aussi ce sont de pauvres génies qui vivent d’air et