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DE GRIBOUILLE

de son âge, tous les autres enfants étaient instruits par leurs parents à être jaloux de sa richesse ; on ne lui faisait point apprendre les choses qu’il eût aimées ; M. Bourdon, tout en le comblant de présents et de plaisirs fort coûteux, ne paraissait pas se soucier de lui plus que du premier venu. Il ne marquait d’estime ni de mépris pour personne, et un jour que Gribouille avait voulu l’avertir que son premier valet de chambre le volait, il avait répondu : « Bon, bon ! il fait son métier. »

Enfin, quand Gribouille eut quinze ans, M. Bourdon le prit par le bras et lui dit : « Mon jeune ami, vous serez mon héritier, parce que les destins ont décrété que je n’aurais point d’enfants de mon dernier mariage. Je le savais, et c’est pourquoi je me suis marié sans crainte de vous faire du tort ; vous serez donc très riche, et vous l’êtes déjà, puisque tout ce que j’ai vous appartient. Mais, après moi, il vous faudra prendre beaucoup de peine et soutenir beaucoup de combats pour conserver vos biens, car la famille de ma femme me hait et n’est retenue de me faire la guerre que par la crainte que j’inspire. La race des abeilles tout entière conspire contre moi, et n’attend que le moment favorable pour fondre sur mes terres et reprendre tout ce qu’elle prétend lui appartenir.

Il est donc temps que je vous instruise de mes secrets,