Page:Sand - Histoire du veritable Gribouille.djvu/17

Cette page a été validée par deux contributeurs.
11
DE GRIBOUILLE

La mère Brigoule n’était pas tout à fait aussi mauvaise que son mari, et elle n’était pas non plus beaucoup meilleure : elle aimait l’argent, et, quand son mari avait fait quelque chose de mal pour en avoir, elle ne le grondait point, tandis qu’elle l’eût volontiers battu quand il faisait des coquineries en pure perte.

Les six enfants de Bredouille et de Brigoule, élevés dans des habitudes de pillage et de dureté, étaient d’assez mauvais garnements. Leurs parents les aimaient beaucoup et leur trouvaient beaucoup d’esprit, parce qu’ils étaient devenus chipeurs et menteurs aussitôt qu’ils avaient su marcher et parler. Il n’y avait que le petit Gribouille qui fût maltraité et rebuté, parce qu’il était trop simple et trop poltron, à ce qu’on disait, pour faire comme les autres.

Il avait pourtant une petite figure fort gentille, et il aimait à se tenir proprement. Il ne déchirait point ses habits, il ne salissait point ses mains, et il ne faisait jamais de mal, ni aux autres ni à lui-même. Il avait même toutes sortes de petites inventions qui le faisaient passer pour simple, et qui, dans le fait, étaient d’un enfant bien avisé. Par exemple, s’il avait grand chaud, il se retenait de boire, parce qu’il avait expérimenté que plus on boit plus on a soif. S’il avait grand’faim et qu’un pauvre lui vînt deman-