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HISTOIRE

taines. De leur côté, les révoltés, poussés à bout, ne traitaient pas beaucoup mieux les ennemis qui tombaient dans leurs mains. Du fond de sa prison, Gribouille, navré de douleur, entendait les cris et les plaintes, et ses geôliers, qui commençaient à craindre pour le gouvernement, lui disaient :

« Voilà ton ouvrage, Gribouille ; tu prétendais enseigner le secret d’être heureux, et, à présent, vois comme on l’est, vois comme on s’aime, vois comme vont les choses ! »

Peu s’en fallait que Gribouille ne perdît courage et qu’il ne doutât de la reine des prés ; mais il se défendait de son mieux contre le désespoir, et il se disait toujours : Ma marraine viendra au secours de ce pauvre pays, et si j’ai fait du mal, elle le réparera.

Une nuit que Gribouille ne dormait pas, car il ne dormait guère, et qu’il regardait un rayon de la lune qui perçait à travers une petite fente de la muraille, il vit quelque chose s’agiter dans ce rayon, et il reconnut sa chère marraine sous la forme de la demoiselle bleue :

« Gribouille, lui dit-elle, voici le moment d’être décidé à tout : j’ai enfin obtenu de la reine des fées la permission de vaincre le roi des bourdons et de le chasser de ce pays, mais c’est à une condition épouvantable et que je n’ose pas te dire.