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DE GRIBOUILLE

Le roi des bourdons s’en empara, le mit en pièces, le foula aux pieds, puis, éclatant de rire :

« Mon mignon, dit-il à Gribouille, voilà le cas que je fais de votre talisman ; à présent nous allons voir lequel est le plus fort de nous deux, et si vous resterez libre d’exciter des séditions contre moi.

— Hélas ! dit Gribouille, vous savez bien que je n’ai jamais dit un seul mot contre vous, que je ne suis pas jaloux de votre couronne, et que si j’ai enseigné la douceur et la patience, cela ne vous met point en danger. Vous n’avez qu’à faire de même et à donner le bon exemple, on vous aimera et on ne songera pas à être gouverné par un autre que par vous.

— Bien, bien, dit le roi, j’aime vos jolis vers et vos joyeuses chansons, et comme je n’en veux rien perdre, vous irez en un lieu où tout cela sera fort bien gardé. »

Là-dessus il appela ses gardes, et, comme Gribouille n’avait plus son bouquet, il fut pris, garrotté et jeté au fond d’un cachot noir comme un four, où il y avait des crapauds, des salamandres, des lézards, des chauves-souris, des araignées et toutes sortes de vilaines bêtes ; mais elles ne firent aucun mal à Gribouille, qui, en peu de temps les apprivoisa et conquit même l’amitié des araignées, en leur chantant de jolis airs auxquels elles parurent fort sensibles.