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DE GRIBOUILLE

expérience sur une centaine de personnes, qu’elles l’entourèrent pour le protéger contre les autres ; et, peu à peu, comme les fleurs de l’île enchantée ne se flétrissaient point et qu’elles répandaient un parfum que n’eût pas épuisé la respiration de cent mille personnes, toute la population de cet endroit-là se trouva calmée comme par miracle. Alors, au lieu de vouloir enfermer Gribouille, chacun voulut lui faire fête, ou tout au moins l’interroger sur son pays, sur ses voyages, sur l’âge qu’il avait, et sur sa fantaisie de naviguer en feuille de rose.

Gribouille raconta à tout le monde qu’il arrivait d’une île où tout le monde pouvait aller, à la seule condition d’être bon et capable d’aimer ; il raconta le bonheur dont on y jouissait, la beauté, la tranquillité, la liberté et la bonté des habitants ; enfin, sans rien dire qui pût le faire reconnaître pour ce Gribouille dont le nom était passé en proverbe, et sans compromettre la reine des prés dans le royaume des bourdons, il apprit à ces gens-là la chose merveilleuse qu’on lui avait enseignée, la science d’aimer et d’être aimé.

D’abord on l’écouta en riant et en le traitant de fou ; car les sujets du roi Bourdon étaient fort railleurs et ne croyaient plus à rien ni à personne. Cependant les récits de Gribouille les divertirent : sa simplicité, son vieux lan-