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de branches, quelles perspectives de verdure, quels beaux temps de galop dans les allées sablonneuses ! Et puis, des hôtes jeunes, des figures toujours gaies, des enfans terribles si bons enfans ! Des cris, des rires, des parties de barres effrénées, une escarpolette à se casser le cou ! Je sentis que j’étais encore un enfant moi-même. Je l’avais oublié. Je repris mes goûts de pensionnaire, les courses échevelées, les rires sans sujet, le bruit pour l’amour du bruit, le mouvement pour l’amour du mouvement. Ce n’étaient plus les promenades fiévreuses ou les mornes rêveries de Nohant, l’activité où l’on se jette avec rage pour secouer le chagrin, l’abattement où l’on voudrait pouvoir s’oublier toujours. C’était la véritable partie de plaisir, l’amusement à plusieurs, la vie de famille pour laquelle, sans m’en douter, j’étais si bien faite, que je n’ai jamais pu en supporter d’autre sans tomber dans le spleen.

C’est là que je renonçai pour la dernière fois aux rêves du couvent. Depuis quelques mois, j’y étais revenue naturellement dans toutes les crises de ma vie extérieure. Je compris enfin, au Plessis, que je ne vivrais pas facilement ailleurs que dans un air libre et sur un vaste espace, toujours le même si besoin était, mais sans contrainte dans l’emploi du temps et sans séparation forcée avec le spectacle de la vie paisible et poétique des champs.