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j’allai au Plessis, et ma tristesse était tournée à l’hébètement. Peut-être que c’était trop d’émotions répétées pour mon âge.

L’air des champs, la vie bien réglée, une nourriture abondante et variée, où je pouvais choisir, au commencement, ce qui répugnait le moins aux révoltes de mon appétit détruit : l’absence de tracasseries et d’inquiétudes et l’amitié surtout, la sainte amitié, dont j’avais besoin plus que de tout le reste, m’eurent bientôt guérie. Jusque-là je n’avais pas su combien j’aimais la campagne et combien elle m’était nécessaire. Je croyais n’aimer que Nohant. Le Plessis s’empare de moi comme un Éden. Le parc était à lui seul toute la nature, qui méritait un regard dans cet affreux pays plat. Mais qu’il était charmant, ce parc immense, où les chevreuils bondissaient dans des fourrés épais, dans des clairières profondes, autour des eaux endormies de ces mares mystérieuses que l’on découvre sous les vieux saules et sous les grandes herbes sauvages ! Certains endroits avaient la poésie d’une forêt vierge. Un bois vigoureux est toujours et en toute saison une chose admirable.

Il y avait aussi de belles fleurs et des orangers embaumés autour de la maison, un jardin potager luxuriant. J’ai toujours aimé les potagers. Tout cela était moins rustique, mieux tenu, mieux distribué, pourtant moins pittoresque et moins rêveur que Nohant ; mais quelles longues voûtes