Page:Sand - Histoire de ma vie tomes 5a9 1855 Gerhard.djvu/765

Cette page n’a pas encore été corrigée

son monde ? M’enfuir de chez ma mère, faire connaître, par un éclat, qu’elle ne me rendait pas heureuse, ou faire supposer pis encore, c’est-à-dire que mon honneur était en danger auprès d’elle ? Cela n’était pas, et si cela eût été, le retentissement de ma situation ainsi proclamée m’eût-il rendue beaucoup plus mariable au gré de mes cousins ?

Devais-je, à défaut de la fuite, me révolter ouvertement contre ma mère, l’injurier, la menacer ? quoi ? que voulait-on de moi ? Tout ce que j’eusse pu faire eût été si impossible et si odieux, que je ne le comprends pas encore.

C’est bien trop me défendre sans doute d’avoir fait mon devoir ; mais si j’insiste sur ma situation personnelle, c’est que j’ai fort à cœur de prouver ce que c’est que l’opinion du monde, la justice de ses arrêts et l’importance de sa protection.

On représente toujours ceux qui secouent ses entraves comme des esprits pervers, ou tout au moins si orgueilleux et si brouillons qu’ils troublent l’ordre établi et la coutume régnante, pour le seul plaisir de mal faire. Je suis pourtant un petit exemple, entre mille plus sérieux et plus concluans, de l’injustice et de l’inconséquence de cette grande coterie plus ou moins nobiliaire qui s’intitule modestement le monde. En disant inconséquence et injustice, je suis calme jusqu’à l’indulgence ; je devrais dire l’impiété : car, pour