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qu’il avait lus. Il m’interrogeait sur mes lectures, et dès que je lui nommais un poète, il m’en récitait les plus beaux passages d’une manière aisée, sans déclamation, avec une voix et une prononciation charmantes. Il n’avait point d’intolérance dans le goût et se plaisait à Ossian aussi bien qu’à Gresset. Sa causerie était un livre toujours ouvert et qui vous présentait toujours une page choisie.

Il aimait la campagne et la promenade. Il n’avait, à cette époque, que quarante-cinq ans, et comme il n’en paraissait que trente, on ne manqua pas de dire à La Châtre, en nous voyant monter à cheval ensemble, qu’il était mon prétendu, et que c’était une nouvelle impertinence de ma part de courir seule avec lui, au nez du monde.

Je ne trouvai en lui aucun des préjugés étroits et des appréciations mesquines des provinciaux. Il avait toujours vécu dans le plus grand monde, et mes excentricités ne le blessaient en rien. Il tirait le pistolet avec moi, il se laissait aller à lire et à causer jusqu’à deux ou trois heures du matin ; il luttait avec moi d’adresse à sauter les fossés à cheval ; il ne se moquait pas de mes essais de philosophie, et même il m’exhortait à écrire, assurant que c’était ma vocation, et que je m’en tirerais agréablement.

Par son conseil, j’avais essayé de faire encore un roman, mais celui-ci ne réussit