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J’étais impatiente que tout ce monde fût parti. Je savais un gré infini à Deschartres de m’avoir amenée là, dans la nuit, pour rendre à cette tombe un hommage grave et profond.

Le soir, toute la maison, vaincue par la fatigue, s’endormit de bonne heure, Deschartres lui-même, brisé d’une émotion qui avait pris une forme toute nouvelle dans sa vie.

Je ne me sentis pas accablée. J’avais été profondément pénétrée de la majesté de la mort ; mes émotions, conformes à mes croyances, avaient été d’une tristesse paisible. Je voulus revoir la chambre de ma grand’mère et donner cette dernière nuit de veille à son souvenir, comme j’en avais donné tant d’autres à sa présence.

Aussitôt que tout le bruit eut cessé dans la maison, et que je me fus assurée d’y être bien seule debout, je descendis et m’enfermai dans cette chambre. On n’avait pas encore songé à la remettre en ordre. Le lit était ouvert, et le premier détail qui me saisit fut l’empreinte exacte du corps, que la mort avait frappé d’une pesanteur inerte et qui se dessinait sur le matelas et sur le drap. Je voyais là toute sa forme gravée en creux. Il me sembla, en y appuyant mes lèvres, que j’en sentais encore le froid.

Des fioles à demi vides étaient encore à côté de son chevet. Les parfums qu’on avait brûlés autour du cadavre remplissaient l’atmosphère. C’était du benjoin, qu’elle avait toujours préféré