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à ma place. Je parvins donc à oublier mon idée fixe, et peut-être la lecture que Deschartres me fit faire d’une partie des classiques grecs et latins y contribua-t-elle beaucoup. L’histoire nous transporte loin de nous-mêmes, surtout celle des temps reculés et des civilisations évanouies. Je me rassérénai souvent avec Plutarque, Tite-Live, Hérodote, etc. J’aimai aussi Virgile passionnément en français et Tacite en latin. Horace et Cicéron étaient les dieux de Deschartres. Il m’expliquait le mot à mot, car je m’obstinais à ne vouloir pas rapprendre le latin. Il me traduisit donc en lisant ses passages de prédilection, et il était là d’une décision, d’une clarté, d’une couleur que je n’ai jamais retrouvées chez personne.

Je trouvais aussi une distraction douce à écrire beaucoup de lettres, à mon frère, à Mme Alicia, à Elisa, à Mme de Pontcarré, et à plusieurs de mes compagnes restées au couvent, ou sorties comme moi définitivement. Dans les commencemens, je ne pouvais suffire aux nombreuses correspondances qui me provoquaient et me réclamaient ; mais il avait fallu bien peu de temps pour que je fusse oubliée du plus grand nombre. Il ne me restait donc que des amies de choix. J’ai conservé presque toutes ces lettres, qui me sont de doux souvenirs, même des personnes que j’ai entièrement perdues de vue. Celles de Mme Alicia sont simples et toujours tendres. Elles vont de 1820 à 1830. Tout emp