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intervertir l’ordre de ses lois immuables, c’est puiser à un foyer qui ne nous attirerait pas sans cesse si, par sa nature, il n’était pas capable de nous réchauffer.

Je priai donc et reçus la force de résister à la tentation du suicide. Elle fut quelquefois si vive, si subite, si bizarre, que je pus bien constater que c’était une espèce de folie dont j’étais atteinte. Cela prenait la forme d’une idée fixe et frisait par momens la monomanie. C’était l’eau surtout qui m’attirait comme par un charme mystérieux. Je ne me promenais plus qu’au bord de la rivière, et, ne songeant plus à chercher les sites agréables, je la suivais machinalement jusqu’à ce que j’eusse trouvé un endroit profond. Alors, arrêtée sur le bord et comme enchaînée par un aimant, je sentais dans ma tête comme une gaîté fébrile, en me disant : « Comme c’est aisé ! Je n’aurais qu’un pas à faire ! »

D’abord cette manie eut son charme étrange, et je ne la combattis pas, me croyant bien sûre de moi-même ; mais elle prit une intensité qui m’effraya. Je ne pouvais plus m’arracher de la rive aussitôt que j’en formais le dessein, et je commençais à me dire : Oui ou Non ? assez souvent et assez longtemps pour risquer d’être lancée par le oui au fond de cette eau transparente qui me magnétisait.

Ma religion me faisait pourtant regarder le suicide comme un crime. Aussi je vain