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qu’elle ne songera plus à me demander. Ma mère y sera fort indifférente. Aucun devoir immédiat ne me pousse donc plus vers l’abîme, si c’est, en effet, un abîme, comme l’esprit d’a Kempis[1] me le crie dans l’oreille. Mon âme est fatiguée et comme assoupie. Je vous demande la vérité. Si ce n’est qu’une satisfaction à me refuser, rien de plus facile que de renoncer à l’étude ; mais si c’est un devoir envers Dieu, envers mes frères ?… Je crains ici, comme toujours, de m’arrêter à quelque sottise. »

L’abbé de Prémord avait la gaîté de sa force et de sa sérénité. Je n’ai pas connu d’âme plus pure et plus sûre d’elle-même. Il me répondit cette fois avec l’aimable enjouement qu’il avait coutume d’opposer aux terreurs de ma conscience.

« Mon cher casuiste, me disait-il, si vous craignez l’orgueil, vous avez donc déjà de l’amour-propre ? Allons, c’est un progrès sur vos timeurs accoutumées. Mais, en vérité, vous vous pressez beaucoup ! À votre place, j’attendrais, pour m’examiner sur le chapitre de l’orgueil, que j’eusse déjà assez de savoir pour donner lieu à la tentation ; car, jusqu’ici, je crains bien qu’il n’y ait pas de quoi. Mais, tenez, j’ai tout

  1. Dans ce temps-là, je croyais, comme beaucoup d’autres, que Thomas a Kempis était l’auteur de l’Imitation. Les preuves invoquées par M. Henri Martin sur la paternité légitime de Jean Gerson m’ont semblé si concluantes, que je n’hésite pas à m’y rendre.