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elle entra en convalescence. Sa vie était momentanément sauvée. Elle avait des heures lucides. Elle souffrait peu, mais elle était paralytique, et son cerveau affaibli et brisé entrait véritablement dans la phase de l’enfance signalée par Deschartres. Elle n’avait plus de volonté, mais des velléités continuelles et impossibles à satisfaire. Elle ne connaissait plus ni la réflexion ni le courage. Elle voyait mal, n’entendait presque plus. Enfin sa belle intelligence, sa belle âme étaient mortes.

Il y eut beaucoup de phases différentes dans l’état de ma pauvre malade. Au printemps, elle fut mieux. Durant l’été, nous crûmes un instant à une guérison radicale, car elle retrouva de l’esprit, de la gaîté et une sorte de mémoire relative. Elle passait la moitié de sa journée sur son fauteuil. Elle se traînait, appuyée sur nos bras, jusque dans la salle à manger, où elle mangeait avec appétit. Elle s’asseyait dans le jardin, au soleil ; elle écoutait encore quelquefois son journal et s’occupait même de ses affaires et de son testament avec sollicitude pour tous les siens. Mais à l’entrée de l’automne, elle retomba dans une torpeur constante et finit sans souffrance et sans conscience de sa fin, dans un sommeil léthargique, le 25 décembre 1821.

J’ai beaucoup vécu, beaucoup pensé, beaucoup changé dans ces dix mois, pendant lesquels ma grand’mère ne recouvra, dans ses meilleurs