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le voile, si ma qualité de Française m’excluait de la communauté des Anglaises de Paris.

Je m’endormis donc dans une situation d’esprit que je n’avais pas connue depuis longtemps ; mais à sept heures du matin Deschartres entra dans ma chambre, et, en ouvrant les yeux, je vis un malheur dans les siens. « Votre grand’mère est perdue, je le crains, me dit-il. Elle a voulu se lever cette nuit. Elle a été prise d’une attaque d’apoplexie et de paralysie. Elle est tombée et n’a pu se relever. Julie vient de la trouver par terre froide, immobile, sans connaissance. Elle est couchée, réchauffée et un peu ranimée ; mais elle ne se rend compte de rien et ne peut faire aucun mouvement. J’ai envoyé chercher le docteur Decerfz. Je vais la saigner. Venez vite à mon aide. »

Nous passâmes la journée à la soigner. Elle recouvra ses esprits, se rappela être tombée, se plaignit seulement des contusions qu’elle s’était faites, s’aperçut qu’elle avait tout un côté mort depuis l’épaule jusqu’au talon, mais n’attribua cet engourdissement qu’à la courbature de la chute. La saignée lui rendit cependant un peu d’aisance dans les mouvemens qu’on l’aidait à faire, et vers le soir il y eut un mieux si sensible, que je me rassurai et que le docteur partit en me tranquillisant ; mais Deschartres ne se flattait pas. Elle me demanda de lui lire son journal après dîner et parut l’entendre. Puis elle demanda